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Charles CHARRAS, homme de théâtre, Chamaliérois de cœur !

Né en 1920 à Saint-Etienne, Charles Charras nous a quitté en 2010 à Shanghaï à l´issue d´un voyage sur les traces de son père.
Auteur, comédien et poète, Charles Charras était un homme de théâtre réputé qui a marqué plusieurs générations d’acteurs et de spectateurs.
Professeur à l’école de théâtre Charles Dullin, il a également formé des acteurs emblématiques, tels que Jean-Louis Trintignant, Jean-Claude Drouot, Pierre Santini, Romain Bouteille, Pierre Richard ou Robin Renucci...

Lorsqu’il était enfant, Charles Charras passait ses vacances de Pâques chez ses grands-parents paternels, qui s’étaient retirés à Chamalières après une vie de labeur.
Durant deux mois d’été, ce vaillant papy toujours vêtu d’un short, arpentait les chemins de la commune. S’il affectionnait les bords de Loire, il taillait aussi la route vers Chamboulives, Mans ou Ventressac, « pour y chercher l’eau pure de la fontaine ».
Sur les coups de midi, il se restaurait chez Ganivet-Charroin. Et puis après, il se retirait chez lui, dans l’ancienne vicairie du village, où il s’adonnait à l’écriture, le classement d’archives ou la sculpture.

Charles CHARRAS
Pour lui, un carré de légumes était aussi beau qu’un carré de fleurs. C’est dire si Charles adorait les jardins. Le sien est toujours accroché à la montagne. Un petit morceau de paradis qui couronne le champ des plaisirs d’une villégiature à Chamalières-sur-Loire…

L’homme de théâtre

Charles CHARRAS

Charles Charras est né le 28 juillet 1920 à Saint-Etienne, rue du Treuil. Son père est dessinateur industriel et fonde sa propre affaire : un bureau d’études pour les installations de levage, de manutention et pour les dépôts de brevets d’invention. Sa mère est employée à la Trésorerie Générale. Petit-fils de mineur du côté du père, de sous-officier du côté de la mère, Charles Charras passe une enfance heureuse dans sa ville natale où il garde le souvenir des tramways courant partout, des reliefs des crassiers des mines et des représentations du petit cirque Bureau…

Ses vacances, il les passe en partie à Chamalières. Essentiellement pour Pâques. Ses grands-parents paternels s’y sont retirés dans une petite maison dont Charles garde une nostalgie éternelle… Mais nous y reviendrons…


Premiers pas

C’est au lycée que Charles monte pour la première fois sur des planches. C’est là aussi qu’il écrit sa première pièce (« La Pension Corbillard »). Après le baccalauréat, il quitte Saint-Etienne pour Lyon où il fait une année en Cagne (préparation à l’école normale supérieure). Ensuite, il entreprend une licence d’allemand et fonde avec quelques camarades un théâtre universitaire et un cabaret dans lesquels il s’exerce au métier d’auteur et de comédien

Mais sa carrière d’homme de théâtre commence véritablement à Paris, avec sa rencontre avec Charles Dullin, l’un des plus grands acteurs et animateurs de théâtre de son temps, qui a fondé en 1921 une école de théâtre. Charles Charras y prend des cours réguliers, le soir, après avoir quitté le lycée Voltaire où il enseigne l’allemand. Nous sommes en 1946. Charles vient de se marier avec Eugénie Bourgier dont il aura deux filles : Marie-Odile et Geneviève. Un an plus tard, sur proposition de l’acteur Lucien Arnaud, Charles devient le secrétaire de Dullin. Ce dernier, séduit par ses talents de poète, ne tarde pas à lui confier un cours de diction des vers.

Cette fois-ci, ça y est, Charles Charras est entré de plein pied dans le monde du théâtre. Il devient le factotum de Dullin qui considère très vite que Charles « a son mot à dire dans sa génération ». Car Charles continue de suivre les cours de l’école, participe aux spectacles, remplit la fonction de lecteur dans le cadre de la commission de « L’aide à la première pièce » créée à l’initiative du ministère de la culture. Trois années d’apprentissage exceptionnelles qui s’achèvent avec la mort de Charles Dullin, le 11 décembre 1949.

Charles CHARRAS

Auteur et comédien

Charles CHARRAS

1949, une année qui marque véritablement le démarrage de la carrière de Charles en tant que comédien et auteur. Enregistrement de sa première pièce « Parade pour mon ami Pierrot » dans le cadre de la Radio-Diffusion. Premier rôle dans une pièce à succès « A chacun selon sa faim » de Jean Mogin (mise en scène : Raymond Hermantier). Un succès qui lui vaut d’entrer dans la troupe Hermantier en 1951.
Il enchaîne avec l’adaptation de la « Marie Stuart » de Schiller (grand succès - 150 représentations) et celle de « La Maison Brûlée » de Strindberg (excellent article de Ionesco).
Dans le même temps, il suit les cours de l’école du Louvre. Cinq années d’études sur toutes les grandes formes d’art, qu’il conclut par une thèse sur « L’influence du metteur en scène sur la décoration chez Gémier, Copeau et les théâtres du Cartel ».

1953 est également une année importante dans la carrière de Charles. Elle est l’année de sa rencontre avec Jacques Fabbri. Ce dernier l’a vu jouer au cabaret (sur des textes d’Alphonse Allais) et décide de l’accepter dans sa troupe. L’aventure va durer dix sept ans. Dix sept ans de « plaisir, d’amitié, de marginalisme joyeux ». Charles Charras joue aux côtés de Jacques Fabbri, Arlette Gilbert, Raymond Devos, Sophie Desmarets, Rosy Varte, André Gille, Romain Bouteille, Claude Piéplu, et tant d’autres encore…
Parallèlement, il poursuit son activité de professeur à l’école de théâtre Charles Dullin et sa carrière d’auteur. Adaptation de « Don Carlos », des « Joyeuses commères de Windsor », de « Le songe d’une nuit d’été »… Séries d’émissions et de pièces radiophoniques, dont « Cinquante minutes d’attente », pour laquelle il obtient le prix de la pièce comique de la RTF en décembre 1955 (pièce jouée notamment par Michel Simon et Carette).


En 1969, la compagnie Jacques Fabbri cesse son activité, mais tout son répertoire est repris à la télévision dans le cadre de la célèbre émission « Au théâtre ce soir », donnant l’occasion à toute l’équipe d’acteurs de se retrouver pour jouer…
La fin de l’aventure Fabbri marque également le début d’une collaboration étroite entre Charles Charras et André Gille. A leur actif, souvent jouées avec succès, plusieurs adaptations de pièces de théâtre (Don César de Bazan, Le Recueil de Ghérardi, Le Banqueroutier, Fra Diavolo, Tom Jones…), ainsi que plusieurs œuvres originales de théâtre ou télévision (Le Buffet, Tu t’imagines Guerillero, Sainte Machine, Le Président…).

« Le Président ». Revenons sur cette œuvre originale qui reste sans aucun doute le plus grand succès de la carrière de Charles Charras. Plus de 3000 représentations à ce jour. Une pièce jouée pendant 8 ans d’affilée aux cafés-théâtre « Le Fanal » et « Au Bec-Fin » à Paris. Ecrite sous Pompidou, créée sous Giscard au festival de Carcassonne, elle poursuit sa carrière sous Mitterrand et Sarkozy.
On y retrouve un président de la République dans un stand de brocante au marché aux puces, qui s’interroge sur la teneur et l’étendue de ses pouvoirs. Charles Charras assurera lui-même la quasi totalité des représentations de la pièce.

Le travail de collaboration avec André Gille n’empêche pas celui que Max Favalelli qualifiait de « redoutable pince-sans-rire » de continuer d’écrire de nombreuses œuvres ou adaptations personnelles pour la plupart jouées au théâtre ou diffusées à la radio. Citons pêle-mêle : « Peines d’amour perdues », « Comme il vous plaira », « La Guerre de Rochetontaine », « Pour l’âme de son âme », « Le Prince de l’Escurial », « Le Capitaine de Koepenick », « Robert Macaire », « Dédé-Miroir », « Charles Boissard », « Le Roi tatoué », « Si on veut aller par là »… la liste, bien sûr, n’étant pas exhaustive…

Charles CHARRAS
Enfin, de 1995 à 2006, Charles Charras écrit une douzaine de pièces de théâtre pour Robin Renucci, dans le cadre des « Rencontres théâtrales » qui se déroulent tous les ans en Haute-Corse.
N’oublions pas pour conclure cette petite biographie que Charles Charras a fait partie, de 1976 à 2010, des diverses commissions de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) qui a pour mission de protéger les droits des auteurs, mais surtout qu’il est un poète reconnu. En effet, il a écrit 8 recueils de poèmes, dont l’un : « Le Cœur dans le Chapeau » a reçu le prix de l’Académie française en 1981 et le prix de la Maison de la Poésie en 1988.


Chamaliérois de cœur

Charles CHARRAS

Au temps de son enfance, Charles Charras venait à Chamalières-sur-Loire en moto. Assis à califourchon entre ses parents, il découvrait derrière une nappe de brouillard ou dans l’air parfumé du printemps naissant les reliefs épiques de la petite bourgade vellave.
De son grand-père, mort trop tôt lorsqu’il avait 5 ans, il se souvient des « taches bleues sur le visage qui lui venaient des éclats de charbon », et des deux petites chèvres blanches que ce dernier emmenait paître de l’autre côté de la voie de chemin de fer.
Les animaux l’enchantaient. Les poules de la grand-mère. Les chauves-souris du crépuscule. Les ablettes et les gougeons qu’il pêchait dans la Loire au fil du courant. Tout n’était que douceur… Il aimait les bords de Loire, les pervenches au flanc des ruisseaux, les treilles de vignes qui transfiguraient les façades… Il aimait aussi le roulement et le sifflet du train glissant sur le coteau d’en face en direction des villes…
Il suivait souvent sa grand-mère chez Pégon-Blachon, Ganivet ou Laniel, les hôtels du village, qui lui donnaient leur linge à laver. Il s’arrêtait parfois chez le boulanger Chapuis scrutant les galettes de gruau posées au bout d’un long manche, et par beau temps rejoignait le jardin familial attenant à la gare, où il attendait le train en provenance de Saint-Etienne…
Les veillées, il les passait près des carreaux des dentellières et se laissait bercer par le cliquetis des fuseaux et le balancier de l’horloge. Le dimanche enfin, il s’en allait à la messe dans l’imposante église du village, où tout vibrant des empreintes d’une histoire millénaire, il s’emplissait de la fabuleuse résonance du chœur…

Mais laissons Charles conclure ce paragraphe : « C’est de Chamalières que je garde, pour le temps de mon enfance, le souvenir le plus vibrant (…) Chaque fois que je retourne dans ce petit village adossé à la montagne, dont les plus basses maisons touchent à la Loire, je remonte du même coup dans l’histoire de notre terre, dans l’ascendance de ma famille et jusqu’au fond de mon enfance »…


Le goût de « l’aventure artistique »

Charles CHARRAS

Il semble que sa famille soit en premier lieu à l’origine de son engouement pour ce qu’il appelle lui-même « l’aventure artistique ».

D’abord son père, fondateur d’un cabinet d’invention. Il lui donne le goût de la création. Ensuite son grand-père paternel, détenteur d’un brevet de prévôt d’escrime et figurant occasionnel au théâtre lyrique de Saint-Etienne. Il lui donne le goût du théâtre et du spectacle (les trois mousquetaires, les spectacles de cape et d’épée).
Ensuite, sa ville natale, Saint-Etienne. Une ville industrieuse, où s’épanouissent toutes sortes d’activités, de l’extraction du charbon à la grosse métallurgie en passant par la fabrication des cycles, des armes, des soieries, de l’outillage, du chocolat et bien d’autres encore… Elle lui donne le goût du travail.
Et puis son année d’étude en Cagne (préparation de l’école normale supérieure), en 1939, qui lui donne le goût d’apprendre « pour le plaisir d’apprendre ».

Enfin, il y a Chamalières-sur-Loire, jalon essentiel de sa vie d’enfant, où se niche depuis des siècles cette belle église romane. C’est elle qui lui donne le goût de l’art. Il y a un « côté paysan » dans l’art roman. C’est cette rusticité qu’il affectionne… En parlant de l’église de Chamalières, Charles Charras écrit dans son livre « Mon mot à dire »* : « L’église romane est une des plus belles du Velay et je crois bien que ce qui se trouve au plus profond de moi lui ressemble. ».
Qui plus est, Chamalières a inspiré directement son œuvre. Sa pièce « Cinquante minutes d’attente », primée en 1955, met en scène deux personnages dans une modeste gare de village. Eh bien la gare, c’est celle de Chamalières-sur-Loire !... Je vous le disais : homme de théâtre, chamalièrois de cœur !

* Charles Charras, « Mon mot à dire », édition Librairie Nizet, 1995

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