Vincent Auriol exerça son mandat de Président de la République du 16 janvier 1947 au 16 janvier 1954. Premier Président de la IVème République, il bénéficia d’une forte popularité et laissa l’image d’un Président actif et novateur.
Mais la grande histoire est aussi faite de petites histoires… Voici l’une d’entre elles…
Retour en arrière. Le 10 juillet 1940, Vincent Auriol fit partie des quatre-vingts députés à voter contre les pleins pouvoirs à Philippe Pétain. Arrêté un peu plus tard, emprisonné, puis placé en résidence surveillée, il s’évada, prit le maquis et rejoignit le général de Gaulle à Londres en octobre 1943…
Au début de l’année 1944, une famille dénommée « Moune » s’installa à Chamalières-sur-Loire. Elle habitait dans une maison aux volets verts située au sommet du rocher de Rechausson, en aplomb du bourg. Il y avait une femme distinguée, d’un certain âge, un jeune couple et deux enfants, Jean-Claude et Jean-Paul. Pour les habitants du village, ces nouveaux venus rejoignaient simplement les trois à cinq mille réfugiés qui vivaient dans le département depuis l’annonce de l’armistice.
On rencontrait rarement monsieur Moune, plus souvent sa mère, Michelle, et son épouse, Jacqueline. Deux à trois fois par semaine, cette dernière empruntait à flanc de rocher un sentier tortueux et abrupt qui la conduisait jusqu’au lavoir d’où elle rejoignait le bourg. C’était une femme ravissante, à l’allure sportive. On la voyait débouler avec ses godillots, ses grosses chaussettes et son sac tyrolien. Elle faisait le tour des commerces, remplissait son sac de victuailles, puis réintégrait son nid, sur les hauteurs, à deux pas du hameau du Pouy. Parfois, elle s’arrêtait chez le marchand de vins en gros Tempère ou chez l’épicier Blachon. Elle discutait un peu, puis écoutait Radio Londres à la TSF. Elle s’approvisionnait aussi chez les Delorme qui avaient une ferme à la Fouillouse, à trois cents mètres de Rechausson. Elle y prenait des œufs, des pommes de terre, et aidait à ramasser les lentilles.
Son mari, la trentaine, était un homme discret. De temps en temps, il recevait la visite de deux enfants du village, Marcel Blachon et Pierre Mourgous, âgés à l’époque de 18 ans, qui s’en repartaient toujours avec un bout de papier logé dans le tube de la selle de leur vélo. Ceux-ci gagnaient ensuite Vorey, Saint-Vincent, Saint-Pierre-Duchamp, ou bien le château de Vaux entre Retournac et Yssingeaux, puis glissaient leur mystérieux message dans une main inconnue…
Jacqueline Auriol, première femme pilote d´essai
En août 1944, alors qu’elle faisait ses emplettes chez l’épicier Blachon, la mère de monsieur Moune s’attarda comme à son habitude devant la TSF, à l’écoute de Radio Londres. Le speaker annonça soudain la libération de Paris. Aussitôt, Marcelle Moune se mit à tourner sur un pas de valse. Elle avait le sourire triomphant et le cœur au bord des larmes. Elle lança à l’épicière, Rosa Blachon : « Je ne suis pas Madame Moune, je suis Madame Vincent Auriol !». Ce jour-là, le village découvrit que les locataires de la petite maison du rocher de Rechausson n’étaient pas des réfugiés ordinaires. L’épouse de Vincent Auriol, son fils Paul, sa belle-fille Jacqueline et ses deux petits-enfants, avaient trouvé refuge au milieu des genêts entre Miaune et Gerbizon… Un choix qui ne devait rien au hasard.
Jacqueline Auriol, que la famille, aux aguets, avait choisi comme « éclaireur », déclarera plus tard qu’elle avait été attirée par la beauté du site.
Après une carrière de pilote d’essai jalonnée de records qui la rendirent célèbre dans le monde entier, Jacqueline Auriol revint à Chamalières-sur-Loire le 15 septembre 1975. Accompagnée de Madame veuve Auriol et des siens, elle participa à l’inauguration de la « route Vincent Auriol », qui depuis relie, par Allemance, les Sagnols au Pouy.